Une conversation entre fourmis d'après Werber
« Est-ce vrai que les queues de lézard repoussent ? demande une exploratrice. On lui répond par l’affirmative.
Pourtant ce n’est pas la même queue qui repousse. Comme dit Mère : on ne retrouve jamais exactement ce qu’on a perdu. La deuxième queue n’a pas de vertèbres, elle est beaucoup plus molle.
Une Guayeïtyolotienne apporte d’autres informations. Les lézards sont très sensibles aux variations de la météo, encore plus que les fourmis. S’ils ont emmagasiné beaucoup d’énergie solaire, leur rapidité de réaction est fantastique. Par contre, lorsqu’ils ont froid, tous leurs gestes sont ralentis. Pour l’offensive de demain, il faudra prévoir l’attaque sur la base de ce phénomène. L’idéal serait de charger le saurien dès l’aube. La nuit l’aura refroidi, il sera léthargique.
Mais nous aussi nous serons refroidies ! signale fort à propos une Belokanienne.
Pas si nous utilisons les techniques de résistance au froid des naines, rétorque une chasseuse. On va se gaver de sucres et d’alcool pour l’énergie et on va enduire nos carapaces de bave pour empêcher les calories de s’échapper trop vite de nos corps.
La 103 683e reçoit ces propos d’une antenne distraite. Elle, elle pense au mystère de la termitière, aux disparitions inexpliquées que lui a narrées la vieille guerrière.
La première Guayeïtyolotienne, celle qui lui a montré les trophées et qui a refusé de parler des termites, revient vers elle.
Tu as discuté avec la 4 000e ?
103 683e acquiesce.
Alors ne tiens pas compte de ce qu’elle t’a dit. C’est comme si tu avais discuté avec un cadavre. Elle a été piquée il y a quelques jours par un ichneumon…
Un ichneumon ! La 103 683e a un frisson d’horreur. L’ichneumon est cette guêpe pourvue d’un long stylet qui, la nuit, perfore les nids fourmis jusqu’à tomber sur un corps chaud. Elle le perce et y pond ses œufs.
C’est l’un des pires cauchemars des larves fourmis : une seringue qui surgit du plafond et qui tâtonne à la recherche de chairs molles pour y déverser ses petits. Ces derniers poussent ensuite tranquillement dans l’organisme d’accueil, avant de se transformer en larves voraces qui grignotent la bête vivante de l’intérieur.
Ça ne rate pas : cette nuit-là, 103 683e rêve d’une terrible trompe qui la poursuit pour lui inoculer ses enfants carnivores ! »
Dans ce passage, 103 683e a quitté Bel-o-kan pour comprendre un autre mystère. Une de leur cité-sœur viens d’être complètement exterminée et personne ne sait pourquoi. On soupçonne encore les fourmis naines (ennemies depuis toujours). C’est pourquoi 103 683e et une petite escouade tentent de prendre des informations dans les cités qui se trouvent à coté de la principale cité des fourmis naines. On apprend par la suite que ce serait en fait un coup des termites (leurs autres ennemis principaux). Comme c’est une mission secrète, leur escouade fait comme si elle partait a la chasse d’un lézard.
Dans cet extrait, il est intéressant de noter les termes « reçoit ces propos d’une antenne distraite » ; « elle pense » ; « frisson d’horreur » ; « pires cauchemars des larves fourmis » ; « rêve ».
Une fourmi a des antennes qui lui servent pour communiquer et recevoir des phéromones. Ces phéromones sont lâchées dans l’air donc 103 683e est obligé de les recevoir. De plus il ne dispose pas de vrai « cerveau » qui lui permettrait de penser a autre chose en même temps et de trier les informations reçues.
Bernard Werber écrit « frisson d’horreur » mais peut-on réellement dire qu’une fourmi a un frisson et de plus relatif a l’horreur ? Un « frisson » est une contraction subite de la peau. Or une fourmi est composée d’un exosquelette qui est bâti autour d’articulations qui peuvent bouger que dans un certain angle. Donc en aucun cas ce squelette pourrait se plisser. Quant à l’horreur, une fourmi ne peut pas éprouver ce sentiment car elle n’a pas de mémoire donc ne peut pas savoir ce qui l’effraie ou pas.
Puis, l’auteur écrit « pires cauchemars des larves fourmis ». La larve est le deuxième stade après celui de l’œuf. Les larves sont sous-développées, elles n’ont pas d’antennes, ni d’yeux, ni de pattes, donc elles peuvent encore moins percevoir les actions extérieures. L’auteur fait également mention de « rêve », cela n’est que pure fiction étant donné que les fourmis ne peuvent pas penser. Les fourmis ont ici clairement des capacités humaines, il y a donc une volonté de personnification de la part de l'auteur.
Cet extrait relève clairement du thème de la peur, voire même de la panique. La fourmi, dénuée de conscience, n’est pas capable d’avoir ce sentiment. Werber s’adresse donc ici aux hommes. Il montre que la peur détruit toute logique, elle rend les Hommes fous. Les fourmis sont organisées, érigent des fourmilières, se battent car elles ne connaissent pas la peur. Ainsi, l’auteur, tout en ayant conscience que cela est un idéal, conseille aux hommes de maîtriser, de contrôler au maximum leurs peurs. Ils seront donc plus combatifs, plus constructifs.
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